mardi 24 octobre 2017

Le Guépard - Giuseppe Tomasi di Lampedusa

     


        C'est à un gros morceau que je m'attaque... Non par le volume mais par la richesse stylistique. Un lyrisme à vous faire oublier toute la laideur du monde. Tant de beauté qu'il devrait être prescrit comme générique du Zoloft.                                       
Je vous parle d'un livre sur lequel je peux compter dans les moments de déprime pour me revigorer. Non pas que le sujet soit particulièrement joyeux : le déclin des privilèges de la noblesse italienne entre 1860 et 1910. Le narrateur nous fait suivre cette période à travers le personnage du Prince sicilien Don Fabrizio Salina les événements de sa vie, ses pensées. 

Burt Lancaster interprète le rôle de
Don Fabrizio dans la superbe
adaptation de Visconti
(source : allocine)

« En traversant les deux pièces qui précédaient son bureau il se flatta d'être un Guépard imposant au poil lisse et parfumé qui se préparait à déchiqueter un petit chacal craintif ; mais par une de ces associations d'idées qui sont le fléau des natures comme la sienne, sa mémoire fut traversée par l'image d'un de ces tableaux historiques français dans lesquels les maréchaux et généraux autrichiens, chargés de panaches et de dentelles, défilent devant un Napoléon ironique auquel ils viennent de se rendre ; ils sont plus élégants, c'est hors de doute, mais le vainqueur est le nabot dans sa modeste capote grise ; outragé par ces souvenirs inopportuns de Mantoue et d'Ulm, ce fut un Guépard irrité qui entra dans le bureau. »

Les thèmes abordés sont assez variés (l'histoire, la mort, la vanité, le désir...) mais il me semble pouvoir en dégager un autre qui s'instille très discrètement et pourtant avec beaucoup de force dans tout le récit : l'espérance.


« Tant qu'il y a de la mort, il y a de l'espoir ».

Je ne vous avais pas menti !
Je vous concède que l'espérance de Don Fabrizio fleure un peu la mort (si peu), mais son désir de la mort n'est pas une conséquence du désespoir, c'est au contraire là qu'il met toute son espérance. Il s'« enorgueilli » même de sa faculté à percevoir « le fluide vital » et la volonté de vivre qui s'échappent de lui et y voit « la preuve, la condition pour ainsi dire, de la sensation de vie ». Après tout, pourquoi parler d'espérance s'il n'y a pas de mort ?


« Don Fabrizio connaissait cette sensation depuis toujours. Cela faisait des décennies qu'il sentait que le fluide vital, la faculté d'exister, la vie en somme, et peut-être aussi la volonté de continuer à vivre s'écoulaient de lui lentement mais sans discontinuer comme les tout petits grains se pressent et défilent un par un, sans hâte et sans relâche, devant l'orifice étroit d'un sablier. À certains moments d'activité intense, de grande attention, ce sentiment d'abandon continuel disparaissait pour se présenter de nouveau impassible à la moindre occasion de silence et d'introspection, comme un bourdonnement constant à l'oreille, le battement d'une horloge s'imposent quand tout le reste se tait ; nous donnant alors la certitude qu'ils ont toujours été là, vigilants, même quand on ne les entendait pas.
À tous les autres moments il lui suffisait d'un minimum d'attention pour percevoir le bruissement des grains de sable légers qui glissaient, des instants de temps qui s'évadaient de sa vie et le quittaient à jamais ; la sensation, d'ailleurs, n'était, auparavant, liée à aucun malaise, et même cette imperceptible perte de vitalité était la preuve, la condition pour ainsi dire, de la sensation de vie ; et pour lui, habitué à scruter des espaces extérieurs illimités, à explorer de très vastes abîmes intérieurs, elle n'était pas du tout désagréable : c'était celle d'une dégradation continue, très faible, de la personnalité jointe cependant au vague présage de la reconstitution ailleurs d'une individualité (grâce à Dieu) moins consciente mais plus vaste : ces petits grains de sable n'étaient pas perdus, ils disparaissaient, oui, mais ils s'accumulaient qui sait où pour cimenter une masse plus durable. Le mot masse, pourtant, avait-il réfléchi, n'était pas exact, lourd comme il était ; et grains de sable, d'ailleurs, non plus : c'étaient plutôt comme des particules de vapeur aqueuse qui s'exhalaient d'un étang étroit, pour aller haut dans le ciel former les grands nuages légers et libres. Il était parfois surpris de ce que ce réservoir vital pût encore contenir quelque chose après tant d'années de perte. "Il n'était quand même pas aussi grand qu'une pyramide !" »





  Don Fabrizio est passionné d'astronomie (c'est pour cela que le narrateur nous dit qu'il est «habitué à scruter des espaces extérieurs illimités » ). Il voit dans les étoiles la stabilité qui fait tant défaut au monde des hommes. 


« Les étoiles paraissaient troubles et leurs rayons peinaient à percer la couche de chaleur étouffante.
L'âme de Don Fabrizio s'élança vers elles, vers les intangibles, les inatteignables, celles qui offrent la joie sans rien vouloir prétendre en échange, celles qui ne troquent pas ; comme tant d'autres fois il imagina pouvoir bientôt se trouver dans ces étendues glacées, pur intellect armé d'un carnet pour des calculs ; pour des calculs qui tomberaient toujours justes. "Elles seules sont pures, elles seules sont comme il faut" , pensa-t-il avec ses formules mondaines. "Qui songe à se faire du souci pour la dot des Pléiades ; pour la carrière politique de Sirius, les dispositions dans l'alcôve de Véga ?" » 





        Le Prince oppose constamment les affaires (tous les aspects matériels de l'existence terrestre) à la vie. Les unes sont caractérisées par le désordre et l'incertitude, l'autre par l'ordre et la certitude. Les « calculs qui tombent toujours justes » s'opposent aux tentatives vaines de changer le cours des choses et d'organiser le désordre ici-bas.
Le nouveau gouvernement qui se met en place envoie Chevalley convaincre le Prince d'accepter un poste de sénateur. Le Prince refuse et Chevalley insiste en lui disant qu'il pourrait contribuer à améliorer le destin des Siciliens :


« Chevalley pensait : "Cet état des choses ne durera pas ; notre administration, nouvelle, agile, moderne, changera tout." Le Prince était déprimé : "Tout cela", pensait-il, "ne devrait pas pouvoir durer ; cependant cela durera, toujours ; le toujours humain, bien entendu, un siècle, deux siècles... ; et après ce sera différent, mais pire. Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les petits chacals, les hyènes ; et tous ensemble, Guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre." »


Claudia Cardinale dans Le Guépard de Visconti
(source : allocine)


   Le Guépard est ma lecture de réconfort en particulier quand je me sens submergée par des préoccupations terre à terre et surtout quand je fais une overdose de discussions politiques. 
Je ne peux pas m'empêcher de rapprocher les effets que l'étude des étoiles ont sur le Prince de ceux que la littérature peut avoir sur nous. Quand on a un bon livre dans les mains, tout se calme. On se repose du brouhaha médiatique et des disputes stériles. On touche à quelque chose de plus élevé qui répond directement à un de nos besoins essentiels...  
Nous avons besoin de beauté. Elle vient guérir ce que les antidépresseurs ne peuvent pas... Oui : j'en reviens à cette comparaison peu poétique. Lampedusa en a de plus belles. Lisez Lampedusa.




« D'une petite rue de traverse il entrevit la partie orientale du ciel, au-dessus de la mer. Vénus était là, enveloppée dans son turban de vapeurs automnales. Elle était toujours fidèle, elle attendait toujours Don Fabrizio au moment de ses sorties matinales, à Donnafugata avant la chasse, maintenant après le bal.
        Don Fabrizio soupira. Quand se déciderait-elle à lui donner un rendez-vous moins éphèmère, loin des trognons et du sang, dans sa propre région de certitude éternelle ? »




Encore Burt Lancaster en parfait Guépard
dans le film de Visconti


Dracula - Bram Stoker

        
        Je sais : vous en avez entendu parler, votre grand-mère sourde et alzheimer se souvient en avoir entendu parler... Mais qui l'a lu ? Si je me fie au sondage que j'ai mené auprès d'un groupe d'individus choisis de façon complètement arbitraire : peu de gens. Et pourtant, c'est une perle du fantastique, un roman d'aventure addictif comme il faut et capital dans la genèse d'un mythe sans lequel toute une génération d'adolescentes (et de plus vieilles) n'aurait eu personne sur qui fantasmer, Zac Efron étant déjà passé de mode en 2008 (je suppose).

Vampirus vegetarianus : pour ce spécimen, pas d'hommes
vigoureux ou de jeunes vierges : il choisit le sang de biche.
C'est comme ça qu'il prend son pied (de biche).


Mais trêve de clabauderies snobinardes. Croyez-moi, vous ne mangeriez pas de pop-corn devant le vampire de Bram Stoker.


Vlad Tepes (source : wikipedia)

       « Son visage, son nez très mince et arqué mais aux narines très dilatées, lui donnaient véritablement un profil d'aigle. Il avait le front bombé, une chevelure clairsemée sur les tempes mais abondante partout ailleurs. Ses sourcils étaient plus qu'épais, presque au point de se toucher au-dessus du nez et leurs poils étaient si touffus qu'ils semblaient boucler naturellement. Ce que je pouvais voir de sa bouche, sous son épaisse moustache, lui conférait une impression d'impassibilité mâtinée d'une certaine cruauté, accentuée par ses dents qu'il avait très blanches et pointues. Elles dépassaient même des lèvres dont l'épaisseur et l'aspect charnu dénotaient une vitalité étonnante pour un homme de son âge. Pour le reste, ses oreilles étaient pâles et comme taillées en pointe. Son menton était large et puissant et ses joues fermes quoique creuses. L'impression d'ensemble était celle d'une extrême pâleur.
  J'avais aussi noté le dessus de ses mains, qu'il gardait croisées sur ses genoux, éclairées qu'elles étaient par la lumière de l'âtre et elles m'avaient paru plutôt blanches et fines. Mais en les voyant de plus près, je ne manquai pas de constater qu'elles étaient d'aspect rude, larges avec des doigts épais. Chose étonnante, le centre des paumes était recouvert de poils. Les ongles étaient longs, fins et taillés en pointe.»

Dracula n'est donc pas un adonis. Si vous voulez aller plus loin et passer d'une vague impression de répulsion au véritable écœurement, vous pouvez également lire cet extrait où Jonathan retrouve le comte allongé dans un caveau :



« Le Comte était bien couché là, mais semblait avoir considérablement rajeuni. Ses cheveux blancs ainsi que sa moustache étaient maintenant gris acier. Les joues étaient plus charnues et la peau blanche était comme teintée de rouge vif. La bouche était plus rouge que jamais et quelques gouttes de sang perlaient aux commissures des lèvres et coulaient le long de son menton sur son cou. Même ses yeux, au regard profond et brûlant, semblaient enfoncés dans une chair gonflée car les paupières et les poches juste en dessous étaient boursouflées. On aurait dit que l'horrible créature était tout entière gorgée de sang. Il était là, étendu comme une sangsue immonde, épuisé et repu. »

Bram Stoker ne prend décidément pas le parti de dépeindre un vampire séduisant comme peuvent le faire d'autres auteurs ou réalisateurs qui n'en sont pas pour autant dénués de talent (ce n'est pas parce que Twilight qui est souvent cité comme exemple de littérature de bas étage prend ce parti qu'il ne peut pas être bien mené par ailleurs). Comparer différentes versions d'un même mythe m'amuse beaucoup : j'aime me demander ce que peut signifier l'atténuation ou l'accentuation de tel ou tel élément.

Mais revenons à nos moutons.

        Dracula se présente comme un recueil de témoignages sous formes de journaux et de correspondances. Le roman débute avec le journal de Jonathan Harker, un clerc de notaire qui se rend dans les Carpathes pour faire signer au Comte Dracula les papiers qui doivent acter son acquisition d'un domaine à Purfleet, près de Londres. Vous vous doutez certainement que son séjour n'est pas des plus plaisants. Sa fiancée, Mina, prend le relais de la narration via sa correspondance avec son amie Lucy. Tout d'abord, Mina ignore que Jonathan est en danger. Elle rapporte des événements étranges sans savoir qu'ils sont liés à l'arrivée du Comte Dracula. Peu après, Lucy est frappée par une étrange maladie : crises somnambuliques, langueur, épuisement, peur de s'endormir. Elle raconte dans son journal :



« Encore une mauvaise nuit. (...) J'essayai de rester éveillée et réussis pendant un court moment, mais quand sonnèrent les douze coups de minuit je me réveillai encore à moitié somnolente, donc j'ai quand même dû m'endormir à un moment ou un autre. J'entendis une sorte de grattement ou de battement contre la vitre, mais je ne m'en souciai pas et comme je n'ai souvenir de rien j'ai dû me rendormir. Encore des mauvais rêves. J'aimerais tellement pouvoir me les rappeler. Ce matin, je me sens horriblement affaiblie. Mon visage est d'une pâleur de morte et ma gorge me fait mal. Je souffre certainement des poumons car j'ai peine à respirer. » 

Le docteur Seward (le troisième narrateur), un des prétendants de Lucy, se retrouve impuissant face à ce cas étrange et fait appel à son ami le professeur Van Helsing « qui en sait autant et même plus que n'importe qui au monde concernant les maladies obscures ».

Je ne m'avancerai pas plus loin dans le résumé pour ne pas trop en dévoiler et vous gâcher le suspens... Et du suspens, il y en a ! Même à ma deuxième lecture du livre, j'avais un mal fou à le lâcher, probablement parce que les péripéties restent haletantes même lorsque l'issue finale est connue. C'est dire si Bram Stoker est doué ! En fait, il ne nous tient pas seulement en haleine par le déroulement de l'action : il nous fascine avec les créatures et l'atmosphère qu'il a créées.
J'aurais voulu vous citer un extrait qui témoigne de toute l'habileté de Bram Stoker à jouer avec nos appréhensions ; seulement, sorti de l'ensemble du texte, le passage que j'avais en tête perd énormément de son efficacité. Je me suis rendue compte ainsi de la façon dont l'auteur nous prépare à recevoir ces passages forts. Fortiche, l'Irish ! Cet effet s'applique aussi un peu au passage cité plus haut sur le Comte dans le caveau : on le trouve d'autant plus dérangeant lorsqu'on a vu auparavant le Comte parler en aristocrate cultivé et lorsqu'on a partagé les craintes et les angoisses de Jonathan via son journal.


        Une autre raison qui me fait tant aimer ce roman est l'un de ses personnages principaux : Mina. Elle fait partie de mes personnages littéraires féminins préférés. Elle incarne la douceur et le dévouement. Par là, elle a d'ailleurs certainement été conçue pour être la parfaite antagoniste du Comte.

C'est autour d'elle que se fédèrent les hommes qui le combattent.
Jonathan rapporte les propos de Van Helsing à son sujet:


« Elle est l'une des femmes élues de Dieu, façonnée par sa main pour nous montrer, à nous les hommes et aux autres femmes, qu'il existe bien un paradis auquel nous pouvons accéder et dont la lumière éclaire la terre où nous vivons. Si vraie, si douce, si noble, si peu égoïste et cela, laissez-moi vous dire, est la plaie de notre époque, si sceptique et égocentrique. »

Rien que ça.                                                                                                                     

Forte de toutes ces qualités, elle participe à la traque de Dracula d'une manière singulière mais présentée comme absolument primordiale par l'auteur.

Pour toutes ces raisons, j'ai dévoré Dracula.   

         
Il m'a permis de redécouvrir le mythe du vampire qui a été passablement galvaudé ces dernières années. Bram Stoker a enrichi le personnage du vampire grâce à de nombreux détails, pour certains empruntés à d'anciennes supersitions populaires qu'il a su s'approprier en y ajoutant d'autres, sortis de sa propre imagination ( il serait le premier à décrire un vampire invisible dans les miroirs) et en mettant le tout en scène dans une atmosphère échafaudée avec maestria. Ainsi, il arrive à nous faire « croire » à son vampire. Rien à voir avec l'image sur papier glacé du séduisant vampire, drapé de sa cape noire sous laquelle pointe le col d'une chemise blancheur Vanish, en train de poser délicatement ses dents de nacre sur le cou d'une créature de rêve au brushing irréprochable qui entrouvre languissamment le cœur en velours incarnat de ses lèvres.

Image du film de 1931 (source : IMDb)


Mais le vampire de Bram Stoker n'est pas seulement crédibilisé par ces détails si importants qui contribuent à donner chair au personnage. Il est aussi profondément lié au réel par la symbolique du roman qui nous invite à questionner le mal, nos rapports avec lui, les façons de le combattre, la confrontation entre la science et les superstitions, la place de la femme... Dracula n'est pas seulement un héros de roman d'épouvante, il est une représentation du mal, un adversaire à vaincre en unissant croyances populaires et progrès scientifiques et sûrement encore bien d'autres choses qui m'ont échappées. À vous de creuser pour découvrir tout ça !

Cette portée symbolique du vampire et son incarnation dans les détails rendent la traque de Dracula par le petit groupe hétéroclite des héros vraiment palpitante.

Lisez-le, c'est croc bien.

À la suite de cette blague, Charlotte a été condamnée à recevoir un pieu dans le coeur par le Comité pour la défense du bon goût. Tonton Gégé, expert en grosse poilade avait pourtant approuvé le fatal calembour par un rire aussi gras que sa panse.



1990-2017
 « Repose en pets. » Tonton Gégé




Voici la version originale des passages cités dans l'article pour vous aider à décider si vous vous sentez capables de le lire en anglais :


« His face was a strong—a very strong—aquiline, with high bridge of the thin nose and peculiarly arched nostrils; with lofty domed forehead, and hair growing scantily round the temples but profusely elsewhere. His eyebrows were very massive, almost meeting over the nose, and with bushy hair that seemed to curl in its own profusion. The mouth, so far as I could see it under the heavy moustache, was fixed and rather cruel-looking, with peculiarly sharp white teeth; these protruded over the lips, whose remarkable ruddiness showed astonishing vitality in a man of his years. For the rest, his ears were pale, and at the tops extremely pointed; the chin was broad and strong, and the cheeks firm though thin. The general effect was one of extraordinary pallor.
Hitherto I had noticed the backs of his hands as they lay on his knees in the firelight, and they had seemed rather white and fine; but seeing them now close to me, I could not but notice that they were rather coarse—broad, with squat fingers. Strange to say, there were hairs in the centre of the palm. The nails were long and fine, and cut to a sharp point. »



« There lay the Count, but looking as if his youth had been half renewed, for the white hair and moustache were changed to dark iron-grey; the cheeks were fuller, and the white skin seemed ruby-red underneath; the mouth was redder than ever, for on the lips were gouts of fresh blood, which trickled from the corners of the mouth and ran over the chin and neck. Even the deep, burning eyes seemed set amongst swollen flesh, for the lids and pouches underneath were bloated. It seemed as if the whole awful creature were simply gorged with blood. He lay like a filthy leech, exhausted with his repletion. »



« I tried to keep awake, and succeeded for a while; but when the clock struck twelve it waked me from a doze, so I must have been falling asleep. There was a sort of scratching or flapping at the window, but I did not mind it, and as I remember no more, I suppose I must then have fallen asleep. More bad dreams. I wish I could remember them. This morning I am horribly weak. My face is ghastly pale, and my throat pains me. It must be something wrong with my lungs, for I don’t seem ever to get air enough. »



« She is one of God’s women, fashioned by His own hand to show us men and other women that there is a heaven where we can enter, and that its light can be here on earth. So true, so sweet, so noble, so little an egoist—and that, let me tell you, is much in this age, so sceptical and selfish. »