L'édition "joie de vivre" dont je suis l'heureuse propriétaire |
Vous connaissez certainement déjà ce titre : c'est un des classiques les plus connus de la littérature anglaise. Il traînait dans ma bibliothèque depuis quelques années. Je me suis finalement décidée à le lire il y a peu, après avoir vu une critique positive du film Pride and prejudice and zombies (sur le VLOG de BAF : une très bonne chaîne YouTube particulièrement remarquable pour la série « On va faire cours »). Puisque la critique m'a appris que le scénario du film était très proche du livre de Jane Austen (à un ou deux zombies près), je me suis dit qu'il serait dommage de ne pas lire Orgueil et préjugés sans zombies avant de voir le film. Je m'y suis donc attelée, sans grande conviction, et je me retrouve à vous en parler aujourd'hui. Comme quoi, il ne faut pas hésiter à se plonger une fois de temps en temps dans une lecture qui ne nous attire pas au premier abord : il n'y a rien de tel qu'une bonne surprise !
Pourquoi ai-je tant aimé Orgueil et préjugés ? Je commencerai par la fin et la réflexion que je me suis faite en refermant le livre : « qu'est-ce que j'aimerais pouvoir parler avec Elizabeth » ! Elizabeth Bennet est le personnage principal du roman ; bien qu'elle ne soit pas la narratrice, son point de vue prime largement sur celui des autres protagonistes. Elle est surtout caractérisée par son esprit et son humour.
Autant vous citer un petit extrait pour vous donner un aperçu du personnage. Lors d'un bal, elle surprend une conversation à son sujet (le dénommé Bingley aborde son ami Darcy pour le convaincre de danser) :
« " -Une de ses sœurs est assise juste derrière toi qui est très jolie, et je ne doute pas qu'elle soit très charmante. Permets-moi, je t'en prie, de demander à ma partenaire de te présenter.
- De qui veux-tu parler ? "
Se tournant, un instant il examina Elizabeth, jusqu'à ce que, croisant son regard, il détournât le sien et dit froidement :
" Elle n'est pas mal, mais pas assez belle pour me tenter, et je ne suis pas d'humeur aujourd'hui à donner de l'importance aux jeunes filles qui ont été laissées pour compte. Tu ferais mieux de retourner auprès de ta cavalière pour te repaître de ses sourires, car tu perds ton temps avec moi. "
M. Bingley suivit son conseil. M. Darcy s'éloigna, et Elizabeth resta seule à nourrir à son égard des sentiments qui n'avaient rien de très cordial. Cela ne l'empêcha pas de raconter à ses amies ce qui s'était passé avec beaucoup de verve, car elle était dotée d'un esprit vif et malicieux qui se divertissait du ridicule sous toutes ses formes. »
De quoi tomber instantanément amoureux ! Elle est aux antipodes des héroïnes clichées de romans d'amour, égotistes qui croient que chacun de leurs pas ferait un merveilleux sujet de tragédie et se sentent « mourir d'amour » tous les quatre matins alors qu'elles ont juste besoin de desserrer leur corsets.
L'esprit « vif et malicieux » d'Elizabeth est aussi celui du roman. L'humour est omniprésent, le plus souvent sous les formes de l'ironie et du sarcasme qui trouvent dans la mère et les sœurs cadettes des filons particulièrement prolifiques.
C'est justement le ton du roman qui m'a beaucoup surprise et qui m'a séduite. Je redoutais, en lisant Orgueil et préjugés, de tomber sur une parodie de roman d'amour grandiloquent où la candide jouvencelle tombe en pâmoison à la vue de M. de la Ténèbrerie se promenant dans le jardin en fleurs par une nuit de pleine lune.
Décidément, ce roman m'a beaucoup appris sur les préjugés.
Laissez-moi vous présenter quelques échantillons de l'humour de Jane Austen :
-la confrontation de la mère excessivement émotive et du père pince-sans-rire (au début de cet extrait, la mère est fraîchement exaspérée par son mari qui s'amuse à la faire sortir de ses gonds ) :
« Mme Bennet ne daigna pas répondre, mais, incapable de se contenir, elle se mit à rabrouer l'une de ses filles.
" Cesse donc de tousser ainsi, Kitty, pour l'amour du ciel ! Aie un peu pitié de mes nerfs. Tu les mets à la torture.
-Kitty ne fait preuve d'aucun discernement dans ses accès de toux, fit remarquer son père. Elle les place au mauvais moment. " »
-la caricature de jeune fille écervelée en quête constante d'émois amoureux :
« Dans l'esprit de Lydia, un séjour à Brighton réunissait toutes les conditions d'un bonheur parfait. Son imagination fertile lui peignait les rues de cette ville de bains de mer si animée remplie d'officiers. Elle se voyait recevant les hommages de dizaines, de vingtaines d'entre eux, qu'elle ne connaissait pas encore. Elle avait devant les yeux le camp dans tout son éclat, les tentes alignées dans une belle uniformité, débordant de jeunesse et de gaieté, éblouissantes d'habits rouges et, pour compléter le tableau, s'imaginait elle-même assise sous l'une de ces tentes, minaudant tendrement avec au moins six officiers à la fois. »
(source : howg.org) |
Cette légèreté de ton n'empêche pas Jane Austen d'exercer sa virtuosité à jouer avec nos attentes. J'ai poussé mes yeux au-delà de leurs limites pour connaître au plus vite l'issue du roman. Les pauvres avaient déjà du mal à faire la mise au point que je les traînais jusqu'au bout du chapitre... Et au début du suivant.
Jane Austen sait merveilleusement conjuguer humour et intensité dramatique.
Enfin, si vous hésitez toujours à engouffrer votre nez dans les pages d'Orgueil et préjugés, je vous propose un petit résumé maison pour vous aider à vous décider :
Orgueil et préjugés relate l'histoire de la famille Bennet qui compte cinq filles à marier : Jane, l'aînée, est surtout caractérisée par sa douceur et son obstination à ne voir que des qualités chez son prochain ; elle est très proche d'Elizabeth qui est la plus fine d'esprit ; Mary ne parle que pour citer des ouvrages savants dont elle apprend par cœur de longs passages ; Kitty et Lydia ne vivent que pour les sorties en ville, les ragots et, surtout, les officiers en uniforme. Quant aux parents, je laisse Jane Austen vous les présenter :
« La vivacité d'esprit, un humour sarcastique, la réserve et la fantaisie se mêlaient si étrangement dans la composition de M. Bennet qu'une expérience de vingt-trois ans n'avait pas suffit à sa femme pour parvenir à le comprendre. En ce qui la concernait, le personnage était moins difficile à approfondir. C'était une femme d'une intelligence médiocre, peu instruite et perdant facilement patience. Lorsqu'elle était contrariée, elle s'imaginait malade des nerfs. La grande affaire de sa vie était de marier ses filles. Elle tirait consolation des visites, ainsi que des potins. »
Le roman commence lorsque Mme Bennet apprend à son mari qu'un riche célibataire va venir séjourner dans la région. Évidemment, elle va remuer ciel et terre pour caser une de ces filles avec ce bon parti inespéré.
Je préfère ne pas vous en dire plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, mais vous savez désormais à peu près de quoi il en retourne, que vous allez rire et probablement devenir accros. Et tout cela n'est rien à côté de la saine satisfaction masochiste d'être bernés par Jane Austen qui nous fait intentionnellement adopter des préjugés pour les démonter ensuite. Je raffole de ce genre de procédés qui nous poussent à nous remettre en question et enrichissent notre regard. En refermant le livre, on peut espérer qu'il nous a fait grandir.
Pour ceux qui ont été intrigués par le concept : -la bande-annonce du film- -la critique du Vlog de BAF (à 17"30)- C'est drôle ; l'adaptation est très bien pensée. Les acteurs ont été très bien choisis. |
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